Introduction
Ce que j’aimerais faire ce soir, c’est de jeter un coup d’œil sur certains aspects, certaines caractéristiques générales de notre vie de chaque jour et, puis, les appliquer, pour ainsi dire, à la vie que l’Eglise nous propose dans son enseignement et dans son hymnographie.
Autrement dire, mon but est de vous inviter, en fait, à l’intérieur de ma vision sur the orthodox background, c'est-à-dire, le milieu propre pour dire et comprendre certaines choses divines et assez dures, si vous me permettez le mot, comme celles du titre de mon intervention :
- le Verbe s’est fait chair, pour que la chair se spiritualise
- le Dieu s’est fait homme, pour que l’homme devient [puisse se faire] dieu
- la Lumière douce et joyeuse est venue dans la soirée d’un humain sombre
- le Maître de tous vient et vit avec ses esclaves (et encore prend le visage de l’esclave – voir Isaïe)
- Celui qui était riche s’est appauvri pour qu’Il enrichisse le genre humain (appauvri par la méchanceté) avec l’immortalité et avec sa gloire
- la Ration descend dans la crèche des non-rationnels pour les rationnels et les non-rationnels
- Celui qui est intouchable se fait bébé
- Celui qui est invisible se fait visible
- Celui qui est incirconscrit se fait circonscrit au sein de la Vierge
- de l'Agnelle naît l'Agneau et le Berger
- Celui qui est sans commencement Se fait commencer
- Celui qui est sans âge va compter son âge
- la grotte (la crèche) soutient Celui qui soutient tout
- Il a délié, Il a délivré les liens de mes péchés et les chaînes de mes passions par les liens de ses langes
- l’Eternité est entrée dans le temps
Et parce que je ne peux pas parler sur tous ces mystères, je vais essayer de causer plutôt sur les conséquences du fait que l’Eternité est entrée dans le temps.
Le zoom liturgique
I. Deux aspects de notre vie aujourd’hui |
II. « Applications » aux offices |
1. Une tendance du monde d’aujourd’hui : le zoom ii) « L’homme de science est celui qui en sait de plus en plus sur un domaine de plus en plus restreint, jusqu'à ce qu'il lui arrive de savoir presque tout sur presque rien » (une loi de Murphy) |
1. Fragmentation et unité dans les offices ii) « » |
2. Prisonniers d’une culture, d’une civilisation, i.e. de certains systèmes et d’une manière de penser --- causes : ii) 2ème sortie – au niveau spirituel : comme dans chaque système on ne peut rien démontrer, car chaque système suffit à soi-même et est fondé sur une somme des axiomes non-contradictoires avec eux-mêmes, alors il y a besoin de quelque chose d’extérieur : Dieu, Dieu incarné, Saint Esprit, la grâce de Dieu, les énergies divines |
2. Le système et les sorties dans l’hymnographie orthodoxe : Michel Tournier (le voyage initiatique des mages) [6], la sainte famille (le voyage en Egypte), nous (exemples dans l’hymnographie – se superpose et se complète avec la 2ème sortie) ; ii) 2ème sortie – la voie de Dieu qui cherche l’homme : Représentée en fait par toutes « les gestes » d’amour faits par Dieu (et par le Dieu incarné) envers l’homme, depuis sa création et depuis la chute, comme on a vu ci-dessus. En quoi cela consiste-t-il ? Par sa chute, l’homme a créé un schisme, une coupure, une schizophrénie en lui-même et entre lui et Dieu. Et le Christ, qui était vrai Dieu et pleinement homme, est venu précisément pour « renverser le mur de séparation » (Éphésiens 2:14), car lui seul pouvait être le vrai et l'unique Médiateur (1 Timothée 2:5). Si le visage des anges est lié directement à leur être et ne souffre pas à cause d’une tension entre idem et ipse, l’homme, soumis (dans la mesure où il se laisse soumettre) à l'écoulement du temps ponctuel (tic-tac, hronos) se trouve dans le pouvoir de ce paradoxe de l’identité. Cette tension, traitée aujourd’hui du point de vue philosophique et psychiatrique Oscar Cullmann, Le Christ et le Temps, Neuchâtel-Paris, 1947 , trouve la vraie « issue » dans la foi chrétienne. Mais même dans la vision chrétienne nous introduisons des fois des paradoxes, antinomies ou antithèses qui ne sont pas propres: eschatologie-histoire, cycle liturgique hebdomadaire-cycle liturgique dominicale, kairos-hronos ou bien « entre déjà et pas encore ». Cette dernière expression introduit une dissociation et puis une tension rationnelle entre temps et éternité, entre eschatologie et histoire, entre hronos et kairos. Mais, à partir de l’Incarnation de l’Un de la Sainte Trinité, à partir de l’avènement de l’éternel dans le temps, le schéma théologique rationnel « thèse-antithèse qui attend une synthèse » n'est plus valable. Car l’antinomie théologique chrétienne n’attend pas la solution d’une synthèse rationnelle, mais elle résoud l'antinomie par la foi, dans la logique de la foi, qui se trouve à un tout autre niveau, le spirituel, qui ne peut que très imparfaitement « être parlé » en dehors de l’antinomie elle-même (et qui d’habitude reçoit l’honneur surtout par le silence que par les mots). L’Incarnation du Christ signifie la fécondation du temps par l’Eternité. L’Eternité attend là (ou bien ici: « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe » – Apocalypse 3:20 –, Elle frappe dans chaque instant, mais Elle ne peut pas l’ouvrir car de Son Côté il manque la poignée de porte…), dans le temps, et attend de nous de « racheter le temps » (εξαγοραζομενοι τον καιρον – exagorazomenoi ton kairov – Éphésiens 5:16). Il dépend de nous, d’être avec l’Eternité dans chaque instant, de La faire jaillir dans chaque kairos, dans chaque instant de la vie – pour nous et pour ceux qui sont autour de nous – que jaillissent donc la lumière et la beauté. |
Bibliographie recommandée :
[1] HALLIER, Amédée, ocso (Trappe de Bricquebec), MEGGLE, Dominique, LE MOINE ET LE PSYCHIATRE. ENTRETIENS SUR LE BONHEUR, éd. Bayard/Centurion, 1996
[2] CLEMENT, Olivier, TRANSFIGURER LE TEMPS. NOTES SUR LE TEMPS A LA LUMIERE DE LA TRADITION ORTHODOXE, éd. Delachaux et Niestlé, Paris-Neuchâtel, 1959
[3] ELIADE, Mircea, LE SACRÉ ET LE PROFANE, éd. Gallimard, Paris, 1956, 19572, 19593, 1965 (coll.« Idées », n°76) etc.
[4] WEIL, Simone, RENONCEMENT AU TEMPS, dans « La pesanteur et la grâce », éd. Plon, Paris, 1988, pp. 28-30
[4] WEIL, Simone, ŒUVRES COMPLETES, VI, CAHIERS III (FÉVRIER 1942 – JUIN 1942) : LA PORTE DU TANSCENDENT éd. Gallimard, Paris, 2002, passim. (voir « temps » dans l’Index Analytique, p.649)
[5] RICOEUR, Paul, LES PARADOXES DE L’IDENTITÉ, dans « L’information psychiatrique », no 3, 1996, pp. 201-206
[6] TOURNIER, Michel, GASPARD, MELCHIOR ET BALTHAZAR, éd. Gallimard, 1980, et « Folio » Gallimard, 1982
[7] LOSSKY, Vladimir, ESSAI SUR LA THÉOLOGIE MYSTIQUE DE L’EGLISE D’ORIENT éd. Cerf, 1990, 256 pages