Dans l’esprit de l’homme qui lit les récits évangéliques de la Résurrection naissent naturellement diverses questions sur les différentes circonstances dans lesquelles s’est déroulé cet événement central de la foi chrétienne. Parmi ces « questions de la Résurrection » des plus mystérieuses, sont les suivantes : 

1. Comment le Seigneur est-Il ressuscité de la mort ? – il s’agit ici de la résurrection proprement dite, la « réanimation » ; 
2. Comment le Seigneur est-Il sorti du tombeau scellé sans briser les sceaux et sans déplacer la pierre du tombeau ?  
3. Pourquoi les disciples ne reconnaissent-ils pas le Seigneur après Sa Résurrection ?

Il faut reconnaître que les récits évangéliques de la Résurrection du Seigneur nous laissent dans un complet agnosticisme face au deux moments (résurrection et sortie du tombeau), par ailleurs si spectaculaires selon l’imagination humaine. Cependant, les offices liturgiques, l’hymnographie de l’Église orthodoxe, viennent combler ce vide, autant que possible et dans les limites de la parole qui dit : « Le mystère ne souffre pas d’épreuve de l’intellect ; par la foi seule, tous nous devons le glorifier Dieu : Seigneur insondable, gloire à Toi ! » (25 décembre, stichère 3 des Laudes). Car ce n’est pas la recherche de la pensée rationnelle qui nous révèle le sens de ces mystères, mais « la pensée pieuse et fidèle » qui, associée à la pratique de notre foi, nous conduit à une compréhension mystérieuse, finalement à une autre manière de penser et de vivre dans laquelle nous voyons la Résurrection chaque fois que nous cessons de nous lamenter sur l’incompréhension rationnelle de ce mystère et que nous accueillons avec foi les paroles annonciatrices, comme les femmes myrrhophores : « Ayant entendu les paroles de l’ange, les femmes cessèrent leurs lamentations, se réjouissant et, tremblantes, elles virent la Résurrection. [...] » (Icos de l’office des matines de la Résurrection, ton 5).  

Voici maintenant la stichère-clé qui ouvre la voie à une certaine compréhension du mystère de la Résurrection (in : Octoèque, première stichère des Laudes, matines de la Résurrection, ton 5) :  

« Seigneur, bien que le tombeau ait été scellé par les impies, Tu es sorti du sépulcre comme Tu es né de la Mère de Dieu.

Tes anges incorporels n’ont pas compris comment Tu T’es incarné. Les soldats qui Te gardaient n’ont pas senti quand Tu es ressuscité.

Car ces deux choses ont été scellées pour ceux qui les mettaient à l’épreuve, et les merveilles se sont révélées à ceux qui adorent le mystère avec foi, à nous qui le louons, accorde-nous la joie et une grande miséricorde. »


Deux parallélismes, juxtapositions, similitudes sont ici absolument évidents :  
- La Résurrection (réanimation) de la mort – l’Incarnation lors de l’Annonciation ; et  
- La sortie du tombeau scellé sans briser les sceaux – la Naissance de la Vierge Marie sans altérer sa virginité (les scellés).  

Avant d’examiner ces parallélismes particuliers, précisons que l’hymnographie de l’Église présente un parallélisme continu entre le cycle Incarnation (Conception)-Naissance et le cycle Mort-Résurrection, non seulement à travers la prophétie du juste Siméon (« Et une épée transpercera ton âme » – Lc 2, 35) ou par la myrrhe apportée par les mages (Mt 2, 11), dont l’hymnographie dit « comme à un mort de trois jours », mais plus encore, par toute une thématique commune aux deux cycles, comme le thème de l’apparition de la lumière, celui de la délivrance, de la victoire, ou encore celui de la participation des éléments du monde aux événements, etc.  

Pour une édification encore plus parfaite à ce sujet, examinons la composition hymnographique suivante : 

« Célébrons... (la naissance du Seigneur) et, élevant notre esprit vers...(Bethleem), montons par la pensée et voyons avec les yeux de l’âme le Christ qui...(est né) ; devant la grandeur de Ses merveilles, X (Joseph) crut voir un homme..., mais par Ses actes, il comprit qu’Il était le vrai Dieu, Lui qui donne à nos âmes une grande miséricorde. »  

Il s’agit d’une stichère de l’Avant-Fête de la Nativité du Seigneur. J’ai intentionnellement remplacé certains mots par « ... » qui faisaient référence à la Naissance du Seigneur. Pourquoi ? Parce qu’on peut maintenant voir clairement que le contenu des idées de cette stichère est parfaitement applicable au cycle Mort-Résurrection : au lieu de « X », mettons « Marie-Madeleine », au lieu de « célébrons la naissance du Christ », mettons « célébrons la résurrection du Christ », etc., et tout fonctionne parfaitement !  

« Célébrons... (la résurrection du Seigneur) et, élevant notre esprit vers...(le tombeau), montons par la pensée et voyons avec les yeux de l’âme le Christ qui...(est ressuscité) ; devant la grandeur de Ses merveilles, X (Marie Madeleine) crut voir un homme..., mais par Ses actes, il comprit qu’Il était le vrai Dieu, Lui qui donne à nos âmes une grande miséricorde. »  

Maintenant, au-delà de ce parallélisme général, revenons à la stichère-clé dont nous disions qu’elle ouvre la voie à une certaine progression dans le mystère de la Résurrection du Seigneur.  

*

« Seigneur, bien que le tombeau ait été scellé par les impies, Tu es sorti du sépulcre comme Tu es né de la Mère de Dieu. »

La première partie de la stichère (« Seigneur, bien que le tombeau ait été scellé par les impies, Tu es sorti du sépulcre comme Tu es né de la Mère de Dieu ») compare la sortie du tombeau scellé à la naissance de la toujours vierge Marie.  

Bien que le père archimandrite Benedict Ghius – un analyste autorisé des textes liturgiques dans la théologie roumaine – considère cette rapprochement comme « audacieux » (in : Le Mystère de la Rédemption dans l’hymnographie orthodoxe, EIBM de l’Église orthodoxe roumaine, Bucarest, 1998, pp. 179-180, en note), mettant en évidence « la condition totalement différente du corps du Christ à la Naissance et à la Résurrection », néanmoins, dans le contexte du parallélisme généralisé des thèmes et des idées entre les deux cycles (Incarnation-Naissance et Mort-Résurrection), cette audace devient parfaitement justifiée théologiquement. D’autant plus qu’il existe des éléments patristiques qui encouragent un tel parallélisme.  

Saint Athanase le Grand, par exemple, dans un petit opuscule à caractère dogmatique, Questions et réponses sur les choses divines, répond à la question « Comment a-t-il été possible que la Vierge donne naissance à un corps et reste vierge ? » par une comparaison très suggestive pour notre discussion : « Comme une maison fermée de toutes parts, qui aurait une petite fenêtre de verre pur et très fin orientée vers l’est ; lorsque le soleil se lève et que ses rayons traversent le verre et pénètrent à l’intérieur, toute la maison s’illumine ; et lorsque le soleil passe et que ses rayons sortent, le verre ne se brise pas, mais reste intact face aux assauts des rayons du soleil entrant et sortant ; de la même manière, il faut comprendre la toujours Vierge Marie. Car elle, entièrement pure, étant comme une maison close, le Fils et Verbe de Dieu, comme un rayon divin du Soleil de justice qu’est le Père, descendant comme à travers une petite fenêtre de verre et entrant en elle, illumina entièrement sa maison très sainte ; et de nouveau, comme Lui seul le sait, Il en sortit sans jamais altérer sa virginité, mais la préserva vierge pure avant la naissance, pendant la naissance et après la naissance. » (Saint Athanase le Grand, Sur Dieu, traduction du grec par les moines Gherontie et Grigorie de Neamț, réimprimé en caractères latins au monastère de Neamț, 1940, pp. 55-56).  

Maintenant que nous avons vu l’opportunité de rapprocher la sortie du Seigneur du tombeau scellé sans briser les sceaux et la Naissance de la Vierge Marie sans altérer sa virginité, voyons comment l’hymnographie de l’Église orthodoxe caractérise ces événements.  

« Merveille qui dépasse toute pensée » (office de l’Avant-Fête de la Nativité du Seigneur), elle est « au-delà de la pensée et de la parole » (12 juillet, premier canon, première ode, de la Mère de Dieu), « indicible » (vêpres de l’Avant-Fête de la Nativité du Seigneur), « inexprimable et étrange » (26 mars, huitième ode, de la Mère de Dieu – office de l’Avant-Fête de la Nativité du Seigneur) ; elle s’est accomplie « de manière merveilleuse » (office de l’Avant-Fête de la Nativité du Seigneur) et « de manière inexprimable » (ibid.).  

Ajoutons, concernant la sortie du Seigneur du tombeau scellé sans briser les sceaux ni déplacer la pierre, que les Pères hymnographes nous offrent une autre similitude, une comparaison, à savoir avec l’entrée du Seigneur auprès des disciples à travers les portes verrouillées (Jn 20, 19 et 26). Voici deux exemples à cet égard :  

« Seigneur, comme Tu es sorti du tombeau scellé, ainsi Tu es entré auprès de Tes disciples à travers les portes verrouillées, leur montrant les souffrances de Ton corps, que Tu as acceptées, Sauveur, dans Ta grande patience. [...] » (quatrième stichère des Laudes des matines de la Résurrection, ton 5).

« Le tombeau étant scellé, Tu as surgi du sépulcre, ô Christ Dieu, Vie ; et les portes étant verrouillées, Tu T’es présenté devant les disciples, Toi qui est la Résurrection de tous. [...] » (sédalène après la deuxième cathisme – office de la Résurrection, ton 7).

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« Tes anges incorporels n’ont pas compris comment Tu T’es incarné. Les soldats qui Te gardaient n’ont pas senti quand Tu es ressuscité. »

La deuxième partie de la stichère-clé (« Tes anges incorporels n’ont pas compris comment Tu T’es incarné. Les soldats qui Te gardaient n’ont pas senti quand Tu es ressuscité. ») répond à l’autre question sur la Résurrection, à savoir « Comment le Seigneur est-Il ressuscité de la mort ? », par un parallélisme entre la Résurrection (réanimation) et l’Incarnation (conception).  

L’Incarnation du Seigneur (ou la Conception) est un mystère même pour la toujours Vierge Marie : « Pourquoi t’étonnes-tu, Marie ? Pourquoi t’effraies-tu de ce qui est en toi ? Et la Vierge répondit : Parce que j’ai donné naissance au Fils éternel dans le temps, et je ne sais comment s’est faite la conception de Celui qui est né. [...] En vérité, là où Dieu le veut, l’ordre de la nature est vaincu, comme il est écrit. » – sédalène après la deuxième cathisme, 25 décembre. Cependant, les hymnographes disent à plusieurs reprises « comment » s’est réalisée cette « conception insondable » (24 décembre, aux vêpres) : « au-delà de la compréhension » (24 décembre), « au-delà de l’esprit et indicible » (Avant-Fête de la Nativité du Seigneur). « La manière de la conception est indicible » (25 mars, de la Mère de Dieu au stichère des vêpres de la fête de l’Annonciation) et s’est accomplie de manière « insondable » et « au-delà de l’entendement » (Avant-Fête de la Nativité du Seigneur).  

*

« Car ces deux choses ont été scellées pour ceux qui les mettaient à l’épreuve, et les merveilles se sont révélées à ceux qui adorent le mystère avec foi, à nous qui le louons, accorde-nous la joie et une grande miséricorde. »

Bien sûr, tous ces textes ne nous donnent pas d’« explications rationnelles » – pour la simple raison qu’il n’en existe pas dans le domaine de tels mystères. Ces grands mystères se sont accomplis « par la puissance de la Divinité », « comme Lui-même l’a su, voulu et jugé bon », comme disent encore les hymnographes, dans une sphère inaccessible à l’esprit humain dans cette vie terrestre. Ils « ont été scellés pour ceux qui les mettaient à l’épreuve et les merveilles se sont révélées à ceux qui adorent le mystère avec foi » – comme le dit la dernière partie de la stichère-clé qui a servi de point de départ à notre analyse –, et ceux qui louent ces mystères reçoivent du Christ mort et ressuscité la joie et une grande miséricorde.  

***

La troisième questions sur la Résurrection : Pourquoi les disciples ne reconnaissent-ils pas le Seigneur après Sa Résurrection.

En effet, parmi les choses qui attirent le plus l’attention lorsque nous lisons les Évangiles de la Résurrection, il y a cette impression que, à plusieurs reprises, les disciples ne semblent pas reconnaître le Seigneur ressuscité. 

I.

Cela commence avec l’histoire de Marie Madeleine qui va, la première, au tombeau, comme le raconte saint Jean l’Évangéliste (Jean 20, 11-18).

11 Or Marie se tenait près du tombeau, dehors, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se pencha dans le tombeau,
12 et elle voit deux anges, en blanc, assis, l'un à la tête et l’autre aux pieds, ou
gisait le corps de Jésus.
13 Et eux lui disent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur dit : « Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l'ont déposé. »
14 Ayant dit cela elle se retourna en arrière et elle voit Jésus debout, et elle ne savait pas que c'était Jésus.
15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu ? » Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit : « Monsieur, si tu l'as emporté, dis-moi où tu l'as déposé et j'irai le prendre. »
16 Jésus lui dit : « Mariam. » Se retournant, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », ce qui veut dire : « Maitre ! »
17 Jésus lui dit : « Ne me touche plus, car je ne suis pas encore monte vers Père, mais va vers les frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, et mon Dieu et votre Dieu. 
18 Marie de Magdala vient, annonçant aux disciples : « J'ai vu le Seigneur » et qu'il lui a dit cela.

Nous voyons donc que Marie Madeleine, qui était l’une des femmes qui ont suivi le Seigneur partout où Il allait – il n’y avait pas seulement les apôtres qui accompagnaient le Seigneur, pas seulement les douze apôtres, mais beaucoup de disciples, et surtout beaucoup de femmes, dont certaines ont été guéries par Lui, dont nous connaissons le nom pour certaines et pas pour d’autres, et parmi elles se trouvent les femmes myrrhophores. Marie Madeleine faisait partie de ces femmes qui ont suivi le Seigneur partout et qui Lui étaient donc très proches, tout comme les apôtres. On peut dire qu’elle était l’un des apôtres, Marie Madeleine, et en effet, dans la tradition de l’Église, elle est appelée « égale aux apôtres ».

Et nous voyons que cet apôtre, Marie Madeleine, ne reconnaît pas le Seigneur. Ce n’est que lorsque le Seigneur lui dit quelque chose – nous ne savons pas, dans ce mystère, ce qu’Il lui a dit exactement lorsqu’Il s’est adressé à elle en disant « Marie » ; quelle énergie, quelle inflexion de voix, quelle puissance, quelle lumière il y avait dans ce mot, nous ne le savons pas –, ce n’est qu’alors que ses yeux se sont ouverts, qu’elle a reconnu le Seigneur et Lui a dit : « Rabbouni, Maître ! », et qu’elle s’est prosternée devant Lui et a embrassé Ses pieds. 

Cela pourrait rester comme un détail anodin, mais ensuite, lorsque nous lisons l’Évangile selon Luc, nous voyons que cela se répète.

II.

Luc 24 :
13 Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,
14 et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
15 Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
18 L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
19 Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :
20 comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
21 Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
22 À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,
23 elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
28 Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.
29 Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
30 Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
31 Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
32 Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
33 À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :
34 « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
35 À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
36 Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! »
37 Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.
38 Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ?
39 Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »
40 Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.
41 Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
42 Ils lui présentèrent une part de poisson grillé
43 qu’il prit et mangea devant eux.
44 Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
45 Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures.
46 Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour,
47 et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
48 À vous d’en être les témoins.
49 Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »
50 Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
51 Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.

Nous voyons que le Seigneur, comme un étranger, rejoint deux disciples qui cheminaient ensemble, Cléopas et un autre, qui se rendaient à un champ, à Emmaüs, sur leur route – et cette route était assez longue, environ 10 à 12 km. Et il est dit qu’ils ne L’ont pas reconnu. Il a marché avec eux, a parlé avec eux et leur a demandé, comme Il l’avait fait avec Marie Madeleine : « Pourquoi êtes-vous tristes ? » Et ils Lui ont raconté ce qui s’était passé. Et l’évangéliste Luc utilise une expression : il dit que leurs yeux étaient « retenus » pour ne pas Le voir, tout comme les yeux de Marie Madeleine étaient « retenus » pour ne pas Le voir.

Mais ils n’étaient pas retenus pour ne pas Le voir parce que Dieu ne voulait pas qu’ils Le voient ou Le reconnaissent. Ils étaient retenus par quelque chose de ce monde. Ils étaient retenus pour ne pas Le voir par l’esprit de ce monde qui est en nous, par le poids de ce monde que nous portons tous dans notre être.

Et ils ont donc marché plusieurs kilomètres avec Lui, ils ont parlé avec Lui, plusieurs heures, et quelque chose, disent-ils, brûlait dans leur cœur ; ils ressentaient et percevaient quelque chose, mais ils ne pouvaient pas Le reconnaître. Et ils L’ont heureusement invité à rester avec eux; Il est resté avec eux, et il est dit qu’Il s’est révélé à eux lors de la fraction du pain. C’est alors que leurs yeux se sont ouverts à ces deux disciples, et ils sont repartis en hâte vers les autres disciples pour leur annoncer la nouvelle.

III.

Jean 21 :
01 Après cela, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment.
02 Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
03 Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
04 Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
05 Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. »
06 Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons.
07 Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau.
08 Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
09 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. »
11 Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré.
12 Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur.
13 Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
14 C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
15 Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »

Nous voyons une troisième fois (mais peut-être qu’il y en a aussi d’autres occasions), nous voyons une troisième fois, lorsqu’Il était sur les rives du lac de Galilée, que les disciples ne L’ont pas reconnu non plus. Ils avaient pêché et n’avaient rien pris, bien sûr, et ensuite un étranger sur la rive, qui avait allumé un feu et faisait griller un poisson, leur a crié quelque chose ; dans un premier temps, ils ne L’ont pas reconnu. Et c’est encore une fois lorsqu’Il leur a dit quelque chose qui a rappelé quelque chose à Pierre en particulier que Pierre s’est jeté à l’eau pour aller vers le Sauveur, suivi des autres.

Mais nous voyons que les disciples, avec leurs yeux terrestres, n’ont pas pu reconnaître le Seigneur au premier regard. Pourtant, le Seigneur portait un corps, car Il a mangé avec eux pour les convaincre qu’Il n’était pas un esprit, une fantôme ou je ne sais quoi. Il a mangé avec eux ; ils Lui ont donné un rayon de miel lorsqu’Il s’est montré à eux, Il a mangé du poisson avec eux, ils L’ont touché – comme nous voyons Thomas venir et Le toucher ; Thomas porte en quelque sorte le nom de tous les apôtres, Thomas Le touche, touche Ses plaies.

Et Ses plaies étaient encore là. Et nous voyons qu’Il était pleinement corporel, mais il y avait pourtant quelque chose dans ce corps ressuscité, dans cette apparence ressuscitée, dans cet homme ressuscité, dans cette nature humaine ressuscitée et transfigurée, qui les empêchait de Le reconnaître immédiatement. Nous voyons qu’ils sont tombés à terre lorsque la Transfiguration a eu lieu ; la Transfiguration sur le mont Thabor a été comme une icône, une préfiguration, une manifestation de la Résurrection, car une fois encore, la lumière divine a rempli le corps du Seigneur, L’a rempli, et Son visage, dit-on, brillait comme le soleil, plein de la lumière divine.

Et les disciples sont tombés face contre terre, incapables de Le regarder, bouleversés par cette manifestation divine. Et nous nous demandons, bien sûr, qu’est-ce qui peut expliquer que les apôtres, Marie Madeleine et les femmes myrrhophores ne L’aient pas reconnu, eux qui étaient les plus proches de Lui. 

Ce n’est pas seulement leur trouble. Oui, ils étaient troublés, ils avaient peur, ils étaient perturbés, mais cela ne suffit pas à expliquer qu’ils L’aient regardé, Lui aient parlé et ne L’aient pas reconnu. 

Peut-être faut-il dire ce que dans la nature humaine – pas celle que nous portons maintenant, mais celle qui sera ressuscitée ensuite – il n’y aura plus, dans le Royaume de Dieu, ce qui n’y sera pas. Que sera-t-il et que ne sera-t-il pas dans le Royaume de Dieu ? Eh bien, dans le Royaume de Dieu, il y aura les choses spirituelles, celles de l’âme, et il n’y aura plus toute cette empreinte matérielle ; nous n’emporterons rien de ce monde dans le Royaume de Dieu, ni maladie, ni souffrance – cela n’existera plus, cela ne va pas dans le Royaume de Dieu. 

Et ce corps ressuscité du Seigneur était ce corps débarrassé de toute souffrance, de toutes les marques de la souffrance, de toutes les marques de la maladie, de toutes les marques de la fatigue, de toutes les marques de ce monde.

C’est pourquoi, lorsqu’ils ont vu le Sauveur pour la première fois, ils ne L’ont pas reconnu, car il n’y avait plus en Lui le sceau de la souffrance, ni l’empreinte de la maladie ou de la souffrance, ni l’empreinte de la fatigue

Ainsi, cela nous donne une indication sur ce que nous serons nous aussi dans le Royaume de Dieu. Et pourtant, nous nous reconnaîtrons, mais d’une manière très personnelle et très profonde, comme le Seigneur s’est révélé à Marie Madeleine lorsqu’Il l’a appelée par son nom.

Et alors, comme si les yeux des deux apôtres s’étaient ouverts à la fraction du pain, et encore, comme si les yeux de Pierre s’étaient ouverts lorsqu’Il l’a appelé et a dit : « Jette les filets. » Alors, les yeux de Pierre se sont ouverts, il a eu un éclair dans son esprit, ses yeux se sont ouverts et il L’a reconnu. Il a pu dépasser les choses de ce monde, aller au-delà et voir le visage débarrassé de la maladie, de la souffrance, de la fatigue.

C’est là l’enseignement du pourquoi les disciples et les femmes disciples du Seigneur ne L’ont pas reconnu au premier regard : car ils ne pouvaient pas voir comme on voit dans le Royaume de Dieu

Et nous, d’une certaine manière, nous avons repris cet enseignement, dans nos icônes. Car les icônes, dans la tradition byzantine, dans la tradition de l’Église orthodoxe, ne sont pas charnelles.

Dans l’icône, le Seigneur, la Mère de Dieu ou les saints sont représentés non pas dans ce monde, mais dans le Royaume de Dieu. C’est pourquoi il n’y a pas de carnalité, pas de chair vive ; c’est pourquoi les corps sont desséchés comme des reliques dans les icônes, les corps que nous voyons dans les icônes et les visages que nous voyons dans les icônes, car ce ne sont pas les visages de ce monde qui portent encore les passions, les souffrances, les maladies, la fatigue et tout ce qui appartient à ce monde. Ils sont déjà transfigurés, et nous essayons ainsi de montrer que nous commémorons les saints dans le Royaume de Dieu, et que cette commémoration dans le Royaume de Dieu est une image de la Résurrection et une image du Seigneur tel que les disciples et les femmes disciples L’ont rencontré après la Résurrection. 

Christ est ressuscité !

Pr. Iulian Nistea